Île de Pâques avant l’heure

Nous quittons l’Amérique du Sud et amorçons notre traversée du Pacifique.

I Ora Na ! Résolus à prendre le temps de la lecture à l’ombre des moais, nous nous arrêtons pendant 8 jours sur la mystérieuse et déboisée île de Pâques dans le camping Tipanie Moana (règlement militaire et propreté sanitaire – pour la rime - on recommande) malgré une population de coqs en surnombre sur l’île dont le chant écourte nos nuits (une joyeuse bande de poulets dégénérés qui poussent le cocorico de minuit à 8 heures du mat. Ne vous laissez jamais attendrir par le regard vide d’un coq dans un poulailler, il tuera vos matinées dans l’œuf).

Ile réputée la plus isolée au monde, la lune est le morceau de « terre » le plus en vue depuis ce caillou de 25km de long. Bienvenue dans le triangle polynésien, bordé à l’est par l’île de Pâques, au Nord par Hawaï et à l’ouest par la Nouvelle-Zélande. L’île de Pâque fut découverte par les européens en 1722, le jour de la Saint Valentin. Et non ! Le jour de Pâques, voyons.

Son nom local, Rapa Nui, veut dire la petite Rapa - Rapa étant une autre île de Polynésie française qui lui ressemble (on vous dira). Les îles polynésiennes de ce fameux triangle ont été peuplées par des peuples originaires du Sud-est asiatique, qui, excellents navigateurs (et inventeurs du catamaran) ont découverts les archipels de Polynésie, îles après îles, au fur et à mesure d’une surpopulation qui les obligeait à partir à la recherche de nouvelles terres (ils auraient même débarqués en Amérique du Sud, mais comme c’était déjà pris, échange de pommes de terre et poulets et demi-tour !).

Leurs déplacements s’opéraient sur des pirogues de plusieurs dizaines de mètres de long, avec à bord tout le nécessaire au peuplement : les hommes, femmes et enfants (tous engraissés pour l’occasion), puis cochons, poulets, rats gris (les jours de cochon maigre…), cocotiers, taro (tubercule tropical), arbre à pain, et bambou (pour garder l’eau de pluie).

A notre grande surprise, l’île, en plus d’être brûlée par le soleil, est pelée. Elle a subi d’une part une déforestation - rondins nécessaires à l’acheminement des quelques 900 moais – et d’autre part une invasion de rats (probablement les fameux rats comestibles), friands de graines de cocotiers, prévenant toute nouvelle tentative de reboisement.

Mais pourquoi les moais ? On ne sait pas. Les chercheurs ont fait des suppositions, nous aussi. Le problème étant que les ancêtres des rapanuis – notamment les sachants - ont été expatriés de force au Pérou, réduits en esclavage par les colons espagnols (encore eux !) et décimés par les maladies de nos charmants voisins. Les suppositions vont donc bon train, entre celles des experts (représentation des ancêtres ou chefs, placés face au clan pour les protéger) et certaines plus fantaisistes : statues originaires de Vénus, apportées par les extra-terrestres, ou le pôle noir du globe ( ?), je cite : « Lhassa est le pôle Blanc du Monde, le pôle Noir se situant aux antipodes, dans l'île de Pâques. Les statues pascuanes seraient des monolithes géants captant les ondes maléfiques du monde pour en préserver le pôle inverse »…

Bref, si les moais se dressent fièrement sur l’île de Pâques, c’est avant tout parce qu’on les a relevés. En effet, la plupart ont été couchés face contre terre (95% des moais), probablement délibérément, lors de la chute d’un clan ennemi, afin de supprimer la protection des ancêtres sur le clan vaincu.

Voici donc un aperçu de nos moais debouts (les connus).

Puis, les couchés (moins connus).

Mais l’île de Pâques en 8 jours, ce sont aussi des randonnées, des plages à tortues, le manu tara (ou sterne fuligineuse pour ceux qui veulent briller dans les séminaires d’ornithologues).

Enfin, le village d’Orongo, point de départ de la compétition annuelle de l’homme oiseau (on conseille Rapa Nui, le film de Kevin Costner, navet qui a le mérite de bien montrer comment se déroulait cette tradition).

Pour faire court dans un article long, la compétition de l’homme oiseau avait pour but de nommer un chef suprême des différents clans pour un an, et consistait en une course multi-épreuves (descente du volcan par la falaise, nage dans une eau infestée de requins jusqu’à l’îlot situé à 1km des falaises – voir photo ci-dessous - recherche d’un œuf de manu tara et parcours inverse, sans casser l’œuf évidemment).